Remise des insignes de la Légion d’honneur au Dr Marcel Lascar, fondateur de SOS MÉDECINS

Remise des insignes de la Légion d’honneur au Dr Marcel Lascar, fondateur de SOS MÉDECINS

Le 16 mars dernier dans les salons de la Questure, Monsieur le Président Richard FERRAND a fait l’honneur de remettre les insignes de la Légion d’honneur au fondateur de SOS MÉDECINS, le Dr Marcel Lascar, lors d’une cérémonie qui marque son entrée officielle dans l’Ordre.

L’ensemble des invités présents ont fait l’éloge du discours du Président FERRAND qui a personnellement touché le Dr Lascar.

Nous partageons avec vous ci-dessous ces quelques clichés et le discours prononcé :

Discours de M. Richard FERRAND, Président de l’Assemblée nationale

Mesdames et messieurs les parlementaires, chers collègues,

Mesdames, messieurs,

Docteur, cher Marcel Lascar,

Que de chemin parcouru depuis Saïda, en Algérie, où vous êtes né le 23 novembre 1928.

Saïda était alors connue comme ville d’eau, où l’on venait en cure, mais vos parents y tenaient un commerce de vins et alcools…

D’emblée, le destin vous donnait le choix entre les soins et l’esprit d’entreprise : vous avez choisi la médecine, exerçant comme généraliste pendant cinquante-cinq ans, mais les leçons de la maison familiale n’ont pas été perdues, puisque vous l’avez fait avec un sens de l’initiative qui vous permis de révolutionner l’offre médicale en France.

Seul garçon et dernier d’une fratrie de quatre enfants, vous avez passé une enfance heureuse à Saïda, puis à Oran pour vos études secondaires.

Dès votre adolescence, votre volonté et votre détermination font fi des règles scélérates qui vous sont imposées. Ainsi, expulsé pendant presque deux années du collège par les lois anti-juives du régime pétainiste, vous continuez à étudier.

Avec d’autres élèves et le soutien des professeurs juifs expulsés eux aussi, vous restez un garçon curieux et studieux qui potasse ses cours dans les synagogues mises à votre disposition. Effort récompensé, puisqu’au retour au collège public près de deux ans plus tard, à force de bachoter et de réviser, la plupart des anciens exclus étaient devenus les meilleurs élèves…

Après votre baccalauréat, obtenu en 1947, vous avez d’abord suivi les traces de votre père dans le négoce de vin. Puis, dès 1951, à 23 ans, vous êtes allé de l’autre côté de la Méditerranée, quittant les départements d’Algérie pour ceux de la Métropole. D’abord pour continuer dans le négoce de vin, puis, rapidement, vous vous êtes inscrit à la faculté de médecine. Votre famille s’est établie en France en 1957, et vous-même vous êtes installé en libéral, comme médecin généraliste, boulevard Parmentier à Paris.

Mais vous êtes surtout connu – et décoré ce jour – en tant que fondateur, en 1966, de SOS Médecins, qui est aujourd’hui une fédération regroupant 63 associations réparties sur l’ensemble du territoire national.

SOS Médecins, ce sont 1 300 praticiens qui répondent chaque année à 6,3 millions d’appels et effectuent 2,6 millions de visites à domicile.

Cette réussite est évidemment collective, mais tous ici nous savons qu’elle n’aurait pas été possible sans trois traits de caractère que tous vos amis vous reconnaissent : votre sens de l’innovation pragmatique, votre caractère entreprenant et votre détermination.

Votre sens de l’innovation d’abord : vous êtes l’exemple même de l’esprit pratique, débrouillard, capable de mettre en oeuvre une solution qui paraît aujourd’hui évidente et qui pourtant n’avait pas été tentée. Tout simplement, de transposer à la prise en charge de patients ce que l’on avait déjà mis en place pour des urgences plus matérielles… Vous nous en direz davantage dans votre discours, et je ne veux pas tout dévoiler afin d’avoir le plaisir de vous écouter, mais beaucoup d’entre nous savent déjà que votre idée, c’était un bon tuyau… Et que votre ambition était de traiter les coronaires au moins aussi bien qu’un siphon de lavabo.

Pour cela, vous avez mobilisé, de manière très pragmatique, les moyens modernes en vue de faciliter l’intervention des médecins : le téléphone et la voiture. Combinés, ces deux outils permettent d’alerter, d’apporter une première réponse et de rassurer, puis d’intervenir directement, si c’est nécessaire, au domicile du patient.

Votre caractère entreprenant a permis de donner corps à cette belle idée.

Car votre pragmatisme, docteur Lascar, ne s’est pas arrêté au concept : il vous a amené à mobiliser, à embarquer votre entourage pour réaliser votre projet. La famille a été mise à contribution et SOS Médecins est devenue aussi votre famille.

Votre détermination a fait la différence, et il en faut toujours quand on est pionnier.

Dès que vous avez créé ce service, avec l’aide d’un autre médecin, vous n’êtes pas passé inaperçu. Dès la première nuit, en 1966, il y eut quatorze appels et une vie sauvée. Sur cinquante-six années, combien de nos concitoyens, combien de familles ont échappé à des drames grâce au professionnalisme et à la réactivité de vos équipes ?

Très vite, SOS Médecins est devenu un sujet d’actualité, et vousmême, la coqueluche des journalistes : Paris Match, L’Aurore, le Figaro vous ont consacré des reportages, ainsi que les quatre radios périphériques de l’époque… Le bouche-à-oreille a fait le reste pour la notoriété de SOS Médecins.

Mais il est juste de dire que l’ensemble du corps médical n’a pas tout de suite accueilli du meilleur oeil votre innovation : ces médecins sans cabinet, exerçant la nuit, ne risquaient-ils pas de voler leur clientèle à leurs confrères dûment établis ? N’y avait-il pas là une forme d’exercice, sinon illégal, du moins illégitime de la médecine ?

Très vite saisi, le Conseil de l’ordre s’en mêla… Ce n’est pas ce qu’il a fait de mieux.

Oui, il fallait être déterminé comme vous l’êtes, cher docteur Lascar, pour avoir poursuivi votre projet, avec le succès que nous lui connaissons aujourd’hui.

Et ces traits de caractère que je viens d’évoquer, vous les avez toujours.

Votre fils Mathias se souvient, par exemple, de son étonnement lorsque, visionnaire, il y a une trentaine voire une quarantaine d’années, vous lui avez fait cette remarque : « Ne serait-ce pas intéressant que chaque personne ait un petit appareil photo pour prendre des clichés de tous les jours, de la vie quotidienne ? » Je précise, pour les plus jeunes présents ici qu’il n’y avait alors ni Instagram, ni téléphone mobile avec appareil photo intégré…

Quant à votre caractère entreprenant, vous l’avez encore mobilisé après SOS Médecins : inspiré par le livre de Jack Messy, La personne âgée n’existe pas, vous vous êtes consacré dès les années 80 à la formation et à l’accompagnement des personnels qui prennent en charge nos seniors. Dans le même esprit, vous avez voulu redonner goût à la vie et plaisir de la découverte aux personnes âgées dépendantes, en organisant des voyages – prenant ainsi le contrepied de la sédentarité institutionnalisée dans laquelle on les avait installées.

C’est donc toute une vie au service des patients et de la santé publique que récompensent enfin ces insignes que j’ai la charge, fort agréable, de vous remettre aujourd’hui.

Pour vous qui avez révolutionné la prise en charge des soins non programmés à domicile, autrement dit, la réponse en urgence aux patients qui en ont besoin, je tiens d’ailleurs à saluer, dans le cas d’espèce, votre patience, la République ayant vraiment pris son temps pour vous rendre ce juste hommage. Pour nos concitoyens méritants, on n’a pas encore inventé SOS Décorations !

Le ruban bleu de l’ordre national du Mérite a tout de même salué la qualité de votre engagement. Et aujourd’hui, c’est le ruban rouge qui vient souligner votre apport à la société, votre contribution au bien-être de la Nation.

Docteur Lascar, au nom du Président de la République et en vertu des pouvoirs qui nous sont conférés, nous vous faisons chevalier de la Légion d’honneur.